vendredi 5 avril 2013

Le laboratoire de Berkeley LBNL optimise la dégradation de la cellulose pour la production de biocarburants

Le développement des biocarburants représente un enjeu important pour les Etats-Unis tant au niveau économique qu'environnemental, comme nous l'évoquions dans de précédents communiqués cette année [1,2]. Le laboratoire de Berkeley (Lawrence Berkeley National Laboratory - LBNL), situé près de San Francisco en Californie, oeuvre activement pour le développement et l'optimisation des procédés de fabrication des biocarburants avec un budget annuel total de plus de 800 millions de dollars. Le LBNL a récemment réalisé trois projets de recherche relatifs à la dégradation de la biomasse - optimisation des cocktails enzymatiques, analyses par spectrométrie de masse, mise en oeuvre de micro-organismes spécifiques à l'exemple de Sulfolobos - afin d'améliorer la rentabilité des procédés de production des biocarburants. 1. Optimiser les solutions enzymatiques pour dégrader la biomasse [3] L'utilisation d'enzymes capables de dégrader efficacement la cellulose est un élément important pour l'optimisation de la conversion de la biomasse en sucres, qui seront ensuite transformés en biocarburant. La connaissance précise des caractéristiques de ces enzymes (spécificité et activité) permettrait d'utiliser au maximum leur potentiel de transformation. Les chercheurs de l'Institut de Bioénergie (Joint BioEnergy Institute), sous tutelle du LBNL, ont développé un système - basé sur la spectrométrie - afin de sélectionner de nouvelles hydrolases et de nouveaux cocktails enzymatiques. Ce système consiste à augmenter l'efficacité et la rapidité des analyses des enzymes cellulases grâce à l'utilisation de la spectrométrie de masse. Les spectres obtenus vont être comparés à une base de données spectrales, qui a été constituée, afin de déterminer les caractéristiques des enzymes, ainsi que les enzymes les plus adéquates pour dégrader la cellulose. L'intégration de cette technologie à l'impression acoustique permet un débit extrêmement élevé d'obtention et d'analyse des spectres (trois minutes pour visualiser 384 spectres de plaques différentes). Dans le cas de l'étude des hydrolases, si l'hydrolyse observée est incomplète, des enzymes peuvent être ajoutées à la solution en cours d'analyse en vue d'obtenir une hydrolyse complète et une conversion maximale de la biomasse en sucres. Un autre composant cellulaire qui joue un rôle majeur dans l'aptitude à la dégradation de la biomasse en sucres, et par conséquent le rendement dans la fabrication de biocarburants, est la lignine. Ce composé complexe à dégrader fait l'objet de nombreuses études. 2. Améliorer la production d'enzymes capables de dégrader la lignine [4] L'efficacité de la bioconversion industrielle dépend du taux de dégradation de la lignine. Les chercheurs du LBNL, en collaboration avec l'Institut de Biochimie et de Biotechnologie Durmishidze basé en Géorgie (Durmishidze Institute of Biochemistry and Biotechnology of Georgian Agrarian University), ont sélectionné une nouvelle souche de champignons macroscopiques de pourriture blanche (White-rot Fungi) qui serait capable de sécréter une quantité plus importante d'enzymes ligninolytiques - notamment de laccase et de peroxydase à manganèse - capables de dégrader la lignine, comparativement aux souches existantes de champignons de pourriture blanche. Les chercheurs ont mis au point une fermentation immergée dans un milieu nutritionnel optimisé afin de produire les enzymes laccase et peroxydase à manganèse. La culture est réalisée durant une période de 6 jours en culture discontinue. Les résultats ont montré que la production de laccase atteignait les 1.000U/ml et celle de peroxydase à manganèse, 18U/ml, ce qui représente un taux de production entre 2 à 50 fois supérieur aux techniques de production actuelles. Le coût estimé de la production de laccase serait inférieur de 10 à 60% par rapport aux prix actuels du marché. L'utilisation de ce procédé permettrait de diminuer les coûts de transformation et de production des biocarburants en diminuant le coût de production des enzymes capables de digérer la lignine. Par ailleurs, le processus permettrait soit la production d'enzymes isolées ou la production de complexes enzymatiques ligninolytiques. L'optimisation de la dégradation de la lignine est également un sujet traité par l'université du Texas A&M. Le professeur Joshua Yuan, phytopathologiste au centre de recherche Agrilife, a obtenu un financement, sur les deux prochaines années, pour réaliser un projet visant à développer un micro-organisme capable de dégrader entièrement la lignine. Selon Mr Yuan, si toute la lignine disponible était utilisée pour produire du biocarburant, cela permettrait de produire 3,8 milliards de litres de biocarburants supplémentaires par an. Le département américain de l'Energie (DOE) vient d'attribuer une subvention d'un montant de 2,4 millions de dollars pour la réalisation de ce projet. 3. La dégradation de la cellulose et l'utilisation du micro-organisme Sulfolobus [5] Les chercheurs Steven Yannone et Adam Barnebey, du LBNL, ont mis au point un procédé permettant au micro-organisme Sulfolobus solfataricus, micro-organisme unicellulaire extrêmophile du groupe des Archaea, de produire des enzymes résistantes aux pH bas (pH≈2) et aux fortes températures (>80°C) - conditions de transformation de la biomasse. Ces enzymes pourraient réaliser une dégradation plus efficace de la cellulose des parois végétales. Le micro-organisme, suite à plusieurs manipulations génétiques effectuées par les chercheurs, pourrait produire des quantités industrielles de ces nouvelles enzymes. Combiné au procédé de prétraitement de la cellulose par l'acide et la chaleur, ces enzymes pourraient accélérer le processus de dégradation de la cellulose, diminuer le temps et l'énergie nécessaires, et accroître l'efficacité et la rentabilité de la production des biocarburants. Les composés - cellulose et lignine - contenus dans les parois cellulaires des plantes représentent une barrière importante pour la production de biocarburants. De nombreux laboratoires et centres de recherche travaillent à l'amélioration du procédé de dégradation qui permet d'obtenir des sucres transformables en biocarburants. Les liaisons cellulaires entre ces sucres semblaient être bien connues des chercheurs jusqu'à ce que les chercheurs de l'université de Géorgie découvrent une liaison entre des hémicelluloses et des polysaccharides pectiques couplés avec une protéine arabinogalactanique (AGPs), ce qui est nouveau par rapport aux connaissances actuelles sur les structures cellulaires des plantes. Li Tan, assistant chercheur au Centre de Recherche sur les Carbohydrates Complexes qui a mis en évidence ces nouvelles structures, et Debra Mohnen, directrice du laboratoire, vont poursuivre les recherches afin de confirmer leur hypothèse concernant la présence de cette structure qui, si cela se révèle exacte, permettrait de mieux comprendre et faciliter la dégradation des parois cellulaires des plantes pour la production de biocarburants. L'Etat américain, et les agences fédérales, investissent de façon conséquente dans les procédés de production des biocarburants : nouvelles sources de biomasse, procédés de transformation, ... En ce début d'année, déjà plus de 50 millions de dollars de subvention ont été attribuées à des universités (telles que Kansas State University ou Ohio State University), des laboratoires de recherche (tels que le Laboratoire National Pacific Northwest) ou des entreprises du secteur de la production de biocarburants (telles que Novozymes ou Lygos) [2]. Les axes de recherche concernent notamment la production des enzymes plus spécifiques, la diminution de leur coût de production ainsi que la détermination de leurs caractéristiques afin d'optimiser leur utilisation selon la source de biomasse. Ces travaux ont pour objectif d'optimiser la production des biocarburants et principalement, d'augmenter la rentabilité de production.

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